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GRAVITY BODY
Alexandre DEDOURGE , Psychologue
Écrits du 20/03/2022

Face à quelle œuvre sommes-nous ? une peinture ? une sculpture ? 

Quel regard poser ? figuratif, abstrait ? les deux ?

 

 À travers une perception figurative et décortiquée, nous pourrions voir au sommet un sexe féminin. Cet élément laisse amplement supposer un format d’ensemble phallique. Dans ce contexte sémantique en découle à la base une boule pouvant évoquer une forme testiculaire. Cette forme étant orpheline de sa jumelle, nous pourrions y voir un ovule, ou encore…pourquoi pas « ne pas voir » ce qui semble constituer une évidence ? Un nez de clown coiffé d’une perruque de poils pubiens ? Aussi du sang, de la peau ? matières premières d’une entreprise que constitue le corps humain. 

Quoiqu’il en soit, il est difficile d’échapper à « quelque chose », à la tentation de nommer ce qui frise l’abstraction. Comme par respect de la pudeur, le degré d’abstraction libère en quelque sorte le regard du spectateur d’une fascination du figuratif. Le sexe féminin ainsi représenté, ne laisse-t-il pas place alors, à une dynamique introspective plutôt que fascinatrice.

Plusieurs diades font l’enchevêtrements de nombreuses tensions internes à ce « tableau ». 

L’une d’elle se situe au niveau de la binarité de « seules deux couleurs » jalonnant cette œuvre. Le rouge unanime plombe le bas. Un aplat de couleur de peau fait office de jonction entre cette boule et ce sexe féminin qui lui combine davantage les deux couleurs, comme lieu de mélange, point de mouvement. Cette opposition marque une distanciation a priori sciemment établie, et présentée peut-être ici comme « à maintenir », telle une loi de la nature, implacable. La boule incarnant peut-être l’affirmation, la clarté, l’existence, le présent. Un état suite à une « expulsion par » ou une « fuite de ». Ce qui s’apparente à un sexe féminin, demeure-t-il isolé ou dominant ? Que penser alors de la partie intermédiaire centrale de couleur peau ? un espace de liberté, de choix, là où tout doit se jouer mais où rien ne se passe…rien ne se passe du moins devant nos yeux en cet espace. Sans encombre au regard de cette platitude, de cette chaleur, elle est représentée comme un espace incontournable, inconditionnel pour qu’un mouvement puisse s’opérer entre protagonistes, entre objets. A quel mouvement s’attendre ? fuite ou refuge ? que cela renvoie-t-il dans l’intimité du spectateur ? S’il arrive que les deux se rejoignent, ceux-ci sont pourtant ici bien isolés l’un de l’autre. Cette tension ajoute son lot d’énigmes supplémentaire au format peu traditionnel de l’œuvre, accentue ainsi sa singularité. 

En somme, plusieurs tensions (ou contradictions binaires) vont de paire avec l’idée de mariage entre bidimensionnel et tridimensionnel :

 

  • La perspective …la boule trouve sur son trajet un obstacle …deux éléments sont diamétralement opposés. Leur point commun est d’évoquer chacun à leur manière la loi de la gravité. La perspective, ainsi que le positionnement sur un axe vertical semblent en contradiction avec la trajectoire tracée … un mouvement est suggéré : tombé dans un trou déjà déformé, s’enfoncer, ou encore faire des aller-retour… la perspective donne une direction unilatérale assez troublante d’autant que la boule évoque l’idée de masse et de pesanteur. La boule est comme gonflée, saturée elle-même. En quoi irait-elle s’aventurer dans ce trou ? La boule pourrait aussi être perçue comme une prise à laquelle nous pourrions nous accrocher pour éviter l’éloignement de l’orifice. Une boule roule, c’est le mouvement. Le trou c’est le repère, mais pas nécessairement l’inertie ou l’attraction. La frange posée sur la boule sert de « repère » dans ce tableau, marquant la verticalité, garant de l’équilibre, évitant que tout bascule.  En somme cet élément donne un caractère concret et figuratif à des éléments de nature symbolique…

  • Contraste des volumes : entre matière surface plane Vs sphérique : Nous pouvons remarquer que la boule ne revête qu’une seule couleur, quand chaque autre élément en comporte deux. Elle renferme un secret,  du moins elle n’est pas ouverte, contrairement à la surface plane qui, elle, torturée par endroit, se dévoile sous deux faces contrastées plissées, un endroit, un envers, sans intérieur, avec une radicalité interne offrant un certain chaos à celui qui tente d’y mettre les doigts

  • Ce contraste entre mouvements, les surfaces, aplat Vs sphère, pouvant évoquer les mouvements de la vie, la renaissance, la mort, le cyclique ). Les « frisures » (torsade, plissures) à deux faces font la jonction entre deux mondes …premier tiers du bas et deux tiers  supérieur) Paradoxalement, le relief piège et fait obstacle, boule lisse fuyante et trou caverneux aspirant, se livrent une bataille sans merci ni rancune.

  • Contraste entre sujets :  le nez de clown perçu en premier plan constitue lui-même un barrage à tout excès de dramatisation de thématique à connotation polémique, invite à rendre dérisoire notre rapport à la pudeur, au corps, à la vie à la mort, le barrage offre l’opportunité d’un déni : il faut choisir son camps*

  • DEDANS DEHORS ou VA ET VIENS Enveloppe ou pénétration Nous serions tenté de voir un rapport de domination sans pouvoir trancher quel sexe domine

 

Conclusion : symbolique consciente …qu’est ce qui constitue le socle ? La boule ou le plateau. Ne pourrais t on pas imaginer à plat cette œuvre. Cette œuvre perturbe nos sens : En tant que spectateur, sommes-nous dans un avion. Il est difficile de voir dans quel sens voir ce tableau ?

VERSION LITTERRAIRE 

S’accrocher à cette boule. 

Se pendre au nez d’un clown. 

Sortir ou rentrer. 

Fuir ou se réfugier. 

S’approcher pour reconnaître.

S’éloigner en reculant pour avancer.

 

Une hypothèse centrale : une boule statique ou en mouvement ? 

Par sa dimension et sa forme, la boule offre l’opportunité de s’accrocher. Elle semble appeler la main. Pourtant, cette poigné alerte, au regard de sa surface glissante et de sa couleur vive. Sais-je d’où je tombe si celle-ci m’échappe, quand bien même une trajectoire demeure dans la perspective suggérée. 

Monter est-ce progresser ? Est-ce grandir ? Est-ce avancer ? Gravir est-ce véritablement surmonter ? Bouger est-vivre ?

Ou peut-être, cette boule sort de ce sexe féminin. Elle tombe, s’approche du spectateur, comme pour initier un non-retour à ses origines. Celle-ci est coiffée d’un ruban, dont chacune des deux couleurs font référence à deux zones distinctes et non superposables. Pourtant elles se mélangent bel et bien. Certaines faces opposées s’embrassent et s’enlacent. Il faut choisir son camp. C’est la frontière. C’est l’ « affrontière ». A-t-on vraiment le choix ?  Un camp s’impose t-il ? La notion de gravité comporte alors deux dimensions : grave au sens dramaturgique et celle relative aux lois de la physique. Dans l’hypothèse dramaturgique et, en cas de malaise provoqué par des questions existentielles, une porte de sortie est offerte : la dérision susceptible incarnée par ce nez rouge. Dans l’hypothèse liée à la relativité d’Enstein, un trouble persiste dans la mesure où la forme peu traditionnelle du tableau, inspire l’idée de profondeur indépendante de toute notion de verticalité et d’horizontalité. Avoir une vue d’avion en étant face au mur, renverrait ainsi à l’idée selon laquelle la condition humaine se développe dans un amas consistants de contradictions, pour celui qui veut bien les voir….

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