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PRATIQUE ARTISTIQUE

JANVIER 2023

 

La peinture face à son époque

La question centrale qui traverse mon travail actuel et passé est : Comment faire de la peinture à notre époque ? Sa lenteur d'exécution est-elle encore en phase avec le rythme de notre monde ? Quelle place donner à l'image ? À la figure ? Quel(s) rôle(s) doit jouer la peinture dans notre temps? Doit-elle narrer , témoigner, ou encore s'engager ?

 

Plastiquement et face à mon environnement (numérique, scientifique, technique) il m'a semblé que l'une des voies pour la peinture était sa dimension haptique (sens du toucher dans l'oeuvre). Ainsi, la texture, le geste, l'outil et la matérialité de la couleur sont essentiels dans mon processus artistique. Dès lors, la peinture/la couleur sont traités comme un matériau sculptural : adjoindre, plier, plisser, tordre, stratifier, éplucher , assembler sont autant de gestes qui regissent ma pratique. J'ai, je crois, toujours considéré la peinture non pas comme un matériau à lisser sur une surface plane, mais plutôt comme une matière à modeler. De la même manière que dans le fournil de mon enfance la farine poudreuse et volatile devenait un volume épais et consistant après transformation. 

Cette manière de peindre, fait dire à certains que je suis « une insulte » pour la peinture. Ces derniers ont mal observés l'ensemble de mon travail et encore plus mal l'histoire des arts. En effet, des peintres comme Pierre Soulages, Pia Fries ou encore Paul Reyberolles ont ouvert des voies qui me semblent intéressantes. 

D'autres que l'on pourrait mettre 'dans ma famille d'artistes' évoquent par cette approche picturale, une ironie ou une nouvelle provocation à l'histoire des arts. Je comprends la logique de ce raisonnement. Torsionner la surface peinte qui était faite pour représenter n'est pas sans conséquence d'un point de vu sémantique. Pourtant je n'adhère pas du tout à ce discours. Pour moi, cette approche permet de mettre en avant des qualités physiques de la peinture qui ont longtemps été omises. Mais surtout, cette méthode m'a permis d'incarner (cette même incarnation que j'ai tant admiré chez Reyberolles ) sans représenter. 

Avec ou sans motif ? 

Mon travail n'est pas sans évoquer des motifs comme le corps, le paysage ou encore la nature morte (pâtisseries, bombons..) et même souvent plusieurs de ces motifs coexistent au sein d'un même tableau. Pourtant, si il m'arrive de partir avec un motif et une idée bien précise de ce que je souhaite faire, la pluspart du temps c'est le support qui impulse la réflexion/ l'action. 

La taille du support, ses proportions, sa forme, sa direction, son épaisseur, sa couleur et même son poids font l'objet de tâtonnements essentiels dans ma démarche. Comme chacun le sait, le support à une puissance figurative indéniable . Un format rectangle et étiré de manière horizontale vous oblige aussitôt au paysage. Pourtant je ne cherche pas à figurer lorsque je réalise mon support, mais je trouve par intuition un motif qui, une fois au mur va me guider ou au contraire avec lequel je vais jouer. 

On voit bien ici que ma démarche est faite de tâtonnements et elle ne résulte pas d'une idée conçue en amont. J'ai toujours aimé me perdre dans la polysémie des oeuvres et je ne crois pas à celles qui se lisent comme une affiche publicitaire. 

 

 Incarner au delà du motif 

Une fois le support au mur, je vais essayé d'attraper la lumière avec 'mes peaux de peintures'. Et cela en organisant les rythmes, les épaisseurs, les mouvements, les textures, les sensations, les zones claires et foncées que la couche picturale plissée va provoquer à la surface du tableau. Le temps de travail sur un tableau est très court, quelques minutes à peine. Mais leur gestation se fait dans un temps toujours assez long. Je multiplie les petites actions, les aller-retour et j'agis par compression ou subduction sur plusieurs tableaux à la fois. Cela me permet de laisser germiner l'idée directrice qui se dégage au fur et à mesure du travail. Le motif apparaît, disparaît peu importe ! Car au delà de ce dernier, un sentiment va venir s'incarner dans les plis de peintures. La douceur, la mélancolie, le désir, le temps, ou encore la finitude sont autant de questions qui traversent et définissent l'âme humaine et que je cherche à incarner dans mon travail. 

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